A l’occasion d’une crise politique en Espagne, Feu Hassan II, avait ″regretté que l’on ne donne pas plus de pouvoir au Roi″. C’était taquin, mais pas plus. Les fondamentaux historiques en Espagne et au Maroc sont très différents, même si dans les deux cas, ce sont les monarchies qui assurent la transition, mais l’une rétablie, l’autre établie.

Au Maroc, les élections de 2016 ont renforcé le parti islamiste du PJD (Parti de la justice et du développement), sauf qu’il est loin d’être majoritaire avec 125 députés. Le Roi a nommé Abdelilah Benkirane, le Secrétaire général de ce parti, comme Chef du gouvernement, conformément à la constitution. Toutefois, celui-ci s’est montré incapable de constituer une majorité. D’où le blocage. Ses lieutenants mettent en cause indirectement des forces occultes, des lobbies qui seraient derrière ce blocage, alors que la réalité est tout autre. Le Chef de gouvernement désigné avait la possibilité de reconduire la majorité précédente, qui est toujours majoritaire à la Chambre des représentants ; il pouvait aussi constituer une nouvelle majorité avec l’intégration du parti nationaliste, l’Istiqlal, et l’Union socialiste des forces populaires (USFP). Il a choisi le blocage, en voulant à la fois l’Istiqlal et le RNI. Le choix de ce dernier se justifie par le fait qu’il dispose d’une grande expertise et une grande expérience dans la gestion des affaires publiques.

Ce blocage-spectacle a duré trois mois. Alors que la constitution marocaine de 2011 ne prévoit aucun délai pour le Chef du gouvernement désigné, l’institution monarchique est intervenue pour lui signifier le « souci de Sa Majesté le Roi de voir le nouveau gouvernement se former dans les meilleurs délais », afin de répondre « aux attentes de l’ensemble des Marocains », dixit le communiqué du Cabinet Royal.

Entretemps, des déclarations du Secrétaire général du parti de l’Istiqlal, portant atteinte à la souveraineté de la Mauritanie, ont créé une nouvelle donne. Du coup, le Roi a été obligé de rappeler les fondamentaux de l’Etat-Nation marocain, soutenu par tous les partis.

La transition marocaine a plusieurs particularités et ne peut être comparée à la transition espagnole. Le Roi du Maroc n’est pas intervenu dans les négociations entre les partis, mais leur a dit qu’il faut accélérer la constitution d’une majorité et il a su réagir aux déclarations sur la Mauritanie. Ce sont les limites de la constitution marocaine et heureusement qu’elles existent.

La monarchie marocaine reste exécutive. Elle s’est, d’elle-même, imposée le respect du vote populaire. La constitution prévoit de larges prérogatives au Chef du gouvernement, nécessairement choisi dans les rangs du parti arrivé en tête lors des élections.

Néanmoins, la démocratie n’est pas encore mature. Il y a 36 partis qui participent aux élections. Il y a aussi une insuffisance d'expertise chez ces partis sur les questions stratégiques qu’elles soient économiques, politiques, ou militaires.

La monarchie marocaine est prescriptrice de la démocratisation. Elle n’y a été obligée, ni par un fort mouvement social, ni par des pressions étrangères. Elle l’a fait pour lier sa pérennité à une transition démocratique.

La monarchie parlementaire au Maroc peut être un horizon, mais aucunement une revendication ponctuelle. Pour une simple raison, c’est que les autres institutions, toutes, doivent être mises à niveau.

Les comparaisons entre l’Espagne et le Maroc n’ont pas lieu d’être. La monarchie espagnole a été mise à l’écart pendant près d’un siècle entre Primo De Riviera et la mort de Franco.

La monarchie marocaine est présente aussi bien dans le processus de la décolonisation que celui de la démocratisation. Elle ne subit pas, elle anticipe, son rôle de pivot n’est pas un luxe, mais une nécessité pour la construction démocratique.