Rencontré en marche du Forum de l’investissement hôtelier africain (FIHA 2019), organisé à Marrakech du 7 au 8 février derniers, le ministre ivoirien du Tourisme, Siandou Fofana, nous parle de la vaste stratégie touristique de la puissance économique ouest-africaine. Il annonce aussi de bonnes perspectives pour la coopération de son pays avec le Maroc.

Pouvoirs d’Afrique: Combien de touristes la Côte d’Ivoire accueillait-elle avant la crise ? Et comment le pays a-t-il réussi à relancer le secteur ?

Siandou Fofana: Avant la crise, la Côte d’Ivoire recevait autour de 700.000 touristes par an, et ce chiffre frôlait souvent les 400.000. Aujourd’hui, grâce aux efforts de sécurisation et ceux accomplis au niveau de l’investissement dans le pays, aux actions menées en faveur du secteur du tourisme et de la stratégie « Sublime Côte d’Ivoire », ainsi qu’aux actions de promotion, et l’implication de tous les acteurs, y compris le chef de l’Etat (Alassane Dramane Ouattara, ndlr), qui s’est fortement impliqué dans une action de communication à l’international, ce chiffre a évolué à 2.000.000 de touristes en 2017 et 3.400.000 en 2018.

Et en 2019, au regard des avancées et de l’effet de contagion positif de l’économie sur l’impact touristique, nous visons 4 millions de touristes. Ceci dit, le trafic international que nous attendons devrait s’établir autour de 2,5 et 2,7 millions de passagers, étant entendu que le reste proviendra du marché sous-régional.

Plus concrètement, quelles ont été les actions menées ?

Il y a eu des actions pour sécuriser le pays, garantir une viabilité économique, aidées en cela par des investissements de divers ordres, au niveau des infrastructures, du transport, et du transport aérien. Par exemple, la compagnie nationale Air Côte d’Ivoire a été fortement équipée et Air France a augmenté la fréquence de ses vols à destination de la Côte d’Ivoire. Les investissements ont également concerné l’hôtellerie et les infrastructures d’accueil, ainsi que la santé, et bien d’autres domaines concernés. Toutes ces actions, combinées à l’embellie économique, ont permis de doper cette croissance et de pouvoir accueillir de nombreux évènements d’envergure, dont notamment le sommet UA-UE qui a mobilisé pas moins de 9000 participants.

Parlez nous de la stratégie « Sublime Côte d’Ivoire ». Quel est son état d’avancement ?

« Sublime Côte d’Ivoire » est une initiative du gouvernement lancée en 2018 avec l’aide du cabinet McKinsey. Cette stratégie vise essentiellement trois finalités: le développement territorial hors d’Abidjan, la création d’emplois et la création de richesses. Le tout afin de faire du tourisme un véritable contributeur à la croissance économique de notre pays. La stratégie « Sublime Côte d’Ivoire » compte mobiliser, à l’horizon 2025, 3.200 milliards FCFA (Près de 4,9 milliards d’euros) pour des familles de projets dans les domaines des loisirs et du balnéaire, dans le domaine du tourisme d’affaires. Dans ce cadre, des circuits sont en cours d’élaboration et seront bientôt lancés. « Sublime Côte d’Ivoire » vise également la sécurisation et la modernisation de nos plages, en plus de la réalisation de plusieurs hôtels. Elle fait enfin la part belle à la culture et l’artisanat ivoiriens, qui seront revalorisés avec plusieurs entités pour accompagner ce développement.

Au niveau de la mobilisation des ressources, nous avons signé un MOU (mémorandum d’entente) avec la Chine d’une valeur de 300 milliards FCFA, et plusieurs acteurs, dans le cadre de partenariats public-privé, ont pris des projets qui peuvent avoisiner les 200 à 250 milliards FCFA. Ce qui nous fait dire que la mise à disposition de ces ressources, combinée à la constitution d’une assiette foncière d’environ 6.500 hectares revalorisée à hauteur de 50.000 FCFA le mètre carré, sont de nature à rendre confortable notre démarche et à couvrir entièrement le besoin de 3.200 milliards FCFA.

De plus, selon les estimations, 1.500 milliards FCFA d’infrastructures routières et de transports sont déjà inscrits et mobilisés dans le cadre du Programme national de développement (PND).

Au niveau de la coopération avec le Maroc, sur quels autres projets travaillez-vous, en dehors de la Baie de Cocody ?

Le projet de la Baie de Cocody, qui est une coopération Sud-Sud entre la Côte d’Ivoire et le Maroc, vise la revalorisation de la baie de Cocody (commune huppée d’Abidjan), avec la construction d’un pont à haubans qui permet de relier la commune de Cocody à celle du Plateau (quartier des affaires d’Abidjan). Ce qui va créer une fluidité routière dans la zone d’Abidjan avec un échangeur au niveau de l’Indénié pour réguler la circulation et intensifier la sécurité routière.

Mais la Baie de Cocody n’est que la face visible de l’iceberg. Déjà, plusieurs unités et modules touristiques pourront être développés pour valoriser la baie. La coopération entre nos deux pays comprend, par ailleurs, le projet de l’ouverture de l’embouchure du fleuve Comoé à Grand-Bassam, avec la construction d’un hôtel et surtout le développement d’un parc de 300 hectares qui sera essentiellement tourné vers l’industrie touristique et l’industrie non-polluante. Toujours dans le cadre de cette coopération, nous allons également réhabiliter entièrement le quartier colonial de Grand-Bassam, appelé quartier « France », en le reconstruisant à l’identique pour garder toute son architecture ancienne et, surtout, lui donner une vocation culturelle touristique.

Au titre des investissements, nous avons le projet de l’hôtel la Palmeraie en face de l’hôtel du district d’Abidjan, au Plateau. Le groupe bancaire marocain Attijariwafa bank accompagne ce projet, pour ce qui est de la structuration du financement de fonds souverain et de fonds d’investissement, ainsi que la mobilisation des ressources nécessaires à l’implantation de la stratégie « Sublime Côte d’Ivoire ». Aussi, Atlas Hospitalisty et bien d’autres acteurs marocains sont mobilisés à nous accompagner dans la création d’unités touristiques et d’unités hôtelières pour amplifier notre élan. Des annonces sont prévues dans les jours prochains et dans les mois à venir.

Qu’en est-il de la Tour F, haute de 283 m, et qui surplombera le Plateau ? Quelle sera la suite de ce projet ?

La Tour F, c’est l’ambition de la Côte d’Ivoire, c’est ce bâtiment historique qui va symboliser le futur d’Abidjan et du Plateau et montrer la volonté de la Côte d’Ivoire d’aller toujours de l’avant, de se transcender, d’être une nation toujours en avant, et qui épouse naturellement les couleurs de son époque. Ce projet devrait être un élément de fierté légitime des Ivoiriens parce que ce bâtiment trouve toute sa place dans l’envergure de ce quartier, aux côtés des tours A, B, C, D et E qui symbolisent la période du miracle ivoirien et qui date de la fin des années 80.

Il est essentiel de savoir que cette tour de 65 étages va abriter des bureaux régionaux de grands groupes tels que MasterCard, Eurocard et Visa, et de bien d’autres groupes importants qui souhaiteraient élire leur siège en Côte d’Ivoire. Bien naturellement, l’Etat de Côte d’Ivoire y logera une partie des administrations, qui ont besoin de visibilité et de valorisation. Nous négocions pour que ce projet abrite aussi un hôtel, compte tenu de son architecture et de sa taille.

Soyez persuadés qu’on ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Ce n’est que le début, il y aura d’autres tours et bâtiments iconiques qui devraient symboliser le futur d’Abidjan, et à créer le rêve incarné par nos devanciers et qui doit être matérialisé et concrétisé par le gouvernement actuel et ceux à venir.