Le Roi Mohammed VI a adressé, ce samedi 29 juillet 2017, un discours à la Nation qui marquera certainement un tournant dans le Royaume. Il annonce une nouvelle Marche pour le pays. Fort de ses 18 ans de règne, le Souverain a établi une véritable radioscopie en louant les réussites, mais en montrant aussi, clairement, les vrais défis à relever. « Je ne voudrais pas, cher peuple, que tu penses, après avoir suivi ce discours, que je suis pessimiste. Loin s’en faut…Tu connais mon réalisme et ma propension à dire la vérité, si dure soit-elle. Être pessimiste, c’est manquer de volonté, être à court de perspectives, être dépourvu d’une approche concrète de la réalité », confiera le Souverain à la fin de son discours.

D’un ton direct, le Souverain a commencé par relever l’origine des maux du pays : faible niveau du travail en commun, absence d’une vision nationale et stratégique, dysharmonie qui l’emporte trop souvent sur la cohérence et la transversalité, passivité et procrastination qui remplacent l’esprit d’initiative et l’action concrète, problème de gouvernance, inefficience, mauvaise qualité des prestations offertes aux citoyens, immobilisme des mentalités, carences en termes d’exécution et d’innovation.

Face aux problèmes dont souffrent différentes régions du pays, le Roi Mohammed VI a mis les partisans de la politique politicienne devant leurs responsabilités. Il leur a fait voir dans le miroir de la vérité leur vrai visage : « Quand le bilan se révèle positif, les partis, la classe politique et les responsables s’empressent d’occuper le devant de la scène pour engranger les bénéfices politiques et médiatiques des acquis réalisés. Mais, quand le bilan est décevant, on se retranche derrière le Palais Royal et on lui en impute la responsabilité. »

Et le Roi Mohammed VI d’ajouter : « Voilà pourquoi les citoyens se plaignent, auprès du Roi, des administrations et des responsables qui font preuve de procrastination dans le règlement de leurs doléances et le traitement de leurs dossiers. Voilà pourquoi ils sollicitent son intervention pour mener leurs affaires à bonne fin. »

Le Souverain a donc secoué toute la classe politique en l’exhortant de remplir son devoir. Lequel « exige que les citoyens reçoivent, dans des délais raisonnables, des réponses convaincantes à leurs interrogations et à leurs plaintes ».

Connaissant parfaitement les attentes des Marocains et leurs problèmes de tous les jours, le Roi Mohammed VI a rappelé que le citoyen est en droit de se demander : à quoi servent les institutions en place, la tenue des élections, la désignation du gouvernement et des ministres, la nomination des walis et des gouverneurs, des ambassadeurs et des consuls, si, visiblement, un fossé sépare toutes ces instances du peuple et de ses préoccupations ?

Une grande question à laquelle doivent répondre les politiques marocains. Surtout que ce n’est pas la première fois que le Roi Mohammed VI les interpelle.  Le Souverain revient donc à la charge : « A tous ceux qui déçoivent les attentes du peuple, Je dis : Assez ! Ayez crainte de Dieu pour ce qui touche à votre patrie… Acquittez-vous pleinement des missions qui sont les vôtres, ou bien éclipsez-vous ! Car le Maroc compte des femmes et des hommes honnêtes et sincères envers leur pays ». Et le Roi de conclure : « Désormais, cette situation ne peut perdurer car ce qui est en jeu, ce sont les intérêts de la Nation et ceux des citoyens. Et là, Je pèse mes mots et j’exprime ici avec force et conviction le fruit d’une profonde méditation. »

Le Souverain insiste pour éveiller les consciences : « N’ont-ils pas honte, ces responsables qui n’accomplissent pas leur devoir alors qu’ils ont prêté serment devant Dieu, la Patrie et le Roi ? Ne conviendrait-il pas de destituer tout responsable à chaque fois qu’on établit une négligence ou un manquement de sa part dans l’exercice de ses fonctions ? »

Le Souverain exige que chacun prenne ses responsabilités, que la reddition des comptes soit effective et que les lois en vigueur soient appliquées à tous, sans distinction aucune. « Nous nous trouvons à une nouvelle étape de notre action publique : il n’y a pas de différence entre le responsable et le citoyen en termes de droits et d’obligations liés à la citoyenneté, et il n’y a pas lieu de se dérober à ses responsabilités ou de jouir de l’impunité »

Al-Hoceima

« Les événements, qui se sont produits dans certaines régions, ont révélé, hélas, une irresponsabilité sans précédent », a affirmé le Roi Mohammed VI. Et le Souverain d’ajouter : « En effet, au lieu que chaque partie remplisse son devoir national et professionnel, et que prévalent l’esprit de coopération et la volonté de mise en commun des efforts pour régler les problèmes des habitants, la situation a dérapé à tel point que les différents acteurs se sont rejeté mutuellement la responsabilité. Au moment où se sont imposés les calculs politiques étriqués, la notion de patrie s’est éclipsée et les intérêts des citoyens ont été malmenés ». Au vu de cette situation, Mohammed VI exige que la gestion des affaires publiques reste bien à l’écart des intérêts personnels et partisans, à l’abri des discours populistes. « Devant ce vide regrettable et dangereux, les forces publiques, qui se sont trouvées face à la population, ont assumé leur responsabilité avec courage, patience, retenue et ont fait preuve d’un grand respect de la loi. Elles ont ainsi préservé la sécurité et la stabilité », a souligné le Souverain qui contredit les allégations tentant de donner l’impression que le Maroc est assis sur un volcan, et qu’à chaque foyer, à chaque citoyen correspond un policier qui surveille. « Il y en a même qui affirment l’existence de deux courants, l’un radical, et l’autre modéré, ayant des vues divergentes sur l’attitude à adopter face à ces événements », a noté le Roi Mohammed VI, avant de lancer : « Cette allégation est totalement fausse ». Et de poursuivre : « La vérité, c’est que, pour garantir la sécurité des citoyens et préserver leurs biens, il y a une seule ligne à appliquer : la loi ; un engagement ferme à respecter : les institutions ». L’autre vérité mise en exergue par le Souverain : « les agents des forces de l’ordre consentent d’énormes sacrifices, travaillent jour et nuit, dans des conditions difficiles, pour remplir le devoir qui leur incombe : assurer la sécurité et la stabilité du pays, intérieurement et extérieurement, et veiller sur la tranquillité, la quiétude et la sûreté des citoyens ».

Le Roi Mohammed VI a déclaré que les Marocains ont le droit, et même le devoir, d’être fiers de leur appareil sécuritaire. « Et là, Je l’affirme avec force et sans la moindre hésitation ni complexe d’infériorité : Si certains nihilistes ne veulent ni admettre ni proclamer cette vérité, c’est leur problème à eux-seuls ».

Travailler ou démissionner

« Le modèle institutionnel marocain est parmi les systèmes politiques avancés », a délcaré le Roi Mohammed VI, qui n’a pas hésité à faire remarquer que ce modèle est resté, en grande partie, lettre morte. La cause : l’application menée sur le terrain reste insuffisante. « Mais si les responsables rechignent à faire leur devoir et mettent ainsi en péril les affaires de la Nation et des citoyens, Mes responsabilités constitutionnelles me commandent de garantir la sécurité et la stabilité du pays, de sauvegarder les intérêts des gens, leurs droits et leurs libertés », a affirmé Mohammed VI. Et d’ajouter : « Je suis pleinement et fermement attaché au respect des attributions des institutions et au principe de séparation des pouvoirs ».

Le Roi a clairement expliqué qu’il n’admettra aucun retour en arrière par rapport aux acquis démocratiques, ni aucune entrave au fonctionnement des institutions. « Car, la Constitution et la loi sont claires et les attributions qui y sont énoncées n’ont nul besoin d’interprétation », a-t-il insisté. Le Souverain dira ensuite qu’il appartient à chaque responsable d’exercer les prérogatives qui lui sont dévolues, en toute autonomie. « Il ne doit pas justifier son incapacité à agir, en ressassant le refrain : « Ils m’empêchent de faire mon travail » ! S’il n’en est pas capable, qu’il présente sa démission, personne ne l’en empêche ! »

Pour le Souverain, c’est le Maroc qui doit prévaloir au-dessus de tous, au-dessus des partis, au-dessus des élections et au-dessus des postes administratifs.

Dans son discours, historique, le Roi Mohammed VI a réitéré son engagement à continuer à agir avec sincérité et constance pour satisfaire les demandes de son peuple et concrétiser ses aspirations. « Ce à quoi Nous nous attachons, dans toutes les régions du Maroc, c’est à impulser concrètement ta nouvelle marche ; elle ambitionne la réalisation du développement humain et social, l’égalité et la justice sociale, au profit de tous les Marocains. Pour Nous, en effet, il est inconcevable que ce progrès ne soit pas commun à l’ensemble des régions de notre pays, sans exclusive ».

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