Moins de deux mois après son élection à la tête de l’ANC, au pouvoir en Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa fait face à un sérieux test pour son autorité avec l’entêtement du Président Jacob Zuma, qui refuse d’abandonner le pouvoir plongeant le pays dans une crise politique.

Contesté depuis longtemps au sein même de l’ANC, Zuma, dont le mandat constitutionnel à la tête du pays s’achève en 2019, a enfoncé le pays dans une polémique interminable depuis dimanche dernier.

Convoqué à une réunion d’urgence avec la nouvelle direction de l’ANC, conduite par Ramaphosa, d’ailleurs vice-Président de la république, Zuma a souligné que rien ne justifie son départ anticipé.

La décision du parlement de reporter le discours sur l’état de la Nation, un rendez-vous annuel lors duquel le Chef de l’Etat informe les l’opinion publique au sujet de la situation politique et économique du pays, a été un signal clair quant au départ imminent de celui dont le mandat a été entaché par de nombreux scandales politico-financiers.

Confirmant le début de la fin de la crise, Ramaphosa s’est prononcé mercredi pour la première fois sur la «Saga-Zuma», annonçant que la transition vers l’après-Zuma était bel et bien enclenchée suite à des entretiens «fructueux» avec le Chef de l’Etat.

Agé de 65 ans, Ramaphosa semble détenir les clés de cette transition. Cependant, les observateurs mettent en garde que Zuma, en politicien habile et têtu, pourrait continuer de brouiller les cartes en laissant trainer la question de son départ.

«En dépit de son isolement, Zuma dispose de cartes importantes, en particulier le fort soutien dont il dispose au sein des structures dirigeantes de l’ANC», indique Jakkie Cilliers, de l’institut des études sécuritaires (ISS, basé à Pretoria).

«L’enlisement de la crise politique risque d’affaiblir Ramaphosa, qui cherche à établir son autorité pour se consacrer aux grands dossiers dont la crise économique et sociale qui plombe le pays depuis plusieurs mois», indique Ongama Mtimka, professeur de science politique à la Mandela Metropolitan University.

Les commentateurs sud-africains n’écartent pas la possibilité d’un éclatement de l’ANC en cas de prolongement de la crise.

Le parti de Nelson Mandela, qui souffre d’une perte alarmante de sa popularité, veut absolument éviter une nouvelle crise à l’approche des élections générales, prévues en 2019.

Habitué à des victoires faciles dans toutes les opérations électorales qui se sont déroulées dans le pays arc-en-ciel depuis la fin de l’apartheid en 1994, l’ANC a essuyé de sérieux revers lors des élections communales de 2016, perdant le contrôle des grandes métropoles de Pretoria et Johannesburg.

Les responsables du parti de Nelson Mandela savent que les divisions qui ont déchiré l’ANC depuis l’arrivée de Zuma à ses commandes, sont la principale raison de cette déroute.

«Ramaphosa s’enfonce de plus en plus dans une situation difficile en raison de son souci de ne pas isoler outre-mesure les pro-Zuma qui jouissent d’une grande influence dans les rangs du parti», indique l’analyste Zwelethu Jolobe.

Le nouveau patron de l’ANC est conscient des enjeux et des conséquences à long terme d’un départ difficile de Zuma, poursuit-il.

L’impact économique de l’actuelle saga n’est pas à sous-estimer, indiquent les analystes, soulignant que les attentes des investisseurs sont grandes.

Les indicateurs économiques commencent, en effet, à inquiéter. La monnaie sud-africaine, le rand, qui avait commencé à gagner du terrain face aux principales devises internationales depuis l’élection en décembre dernier de Ramaphosa à la tête de l’ANC, s’est de nouveau inscrite dans une tendance baissière en raison du refus de Zuma de partir sans problème.

«L’Afrique du Sud n’est pas dans une position qui lui permet de s’offrir le luxe d’attendre», indique Mmusi Maimane, chef de l’Alliance Démocratique, principale formation d’opposition.

Le pays a besoin de sortir rapidement de sortir de l’actuelle impasse, car les dossiers posés sur la tables du nouveau chef de l’ANC sont d’une importance stratégique pour l’avenir du pays, souligne-t-il. (MAP)