Se mettre au volant pour aller au travail peut sembler un acte des plus anodins un peu partout dans le monde, mais à Johannesburg ça relève de l’exploit, non seulement à cause des bouchons monstres que connaît la ville, mais surtout à cause de l’angoisse créée par la criminalité galopante dans la capitale économique sud-africaine.

Les navettes fastidieuses dans d’autres villes du monde s’avèrent être des voyages périlleux dans cette métropole de près de 6 millions d’âmes. Tout au long du trajet, une panoplie de précautions s’impose pour arriver sain et sauf à sa destination, à commencer par fermer les vitres de sa voiture, se méfier des personnes qui s’approchent trop et surtout éviter les quartiers connus pour leur taux élevé de criminalité.

En effet, à «Joburg» le chemin le plus court vers sa destination n’est pas forcément une ligne droite. Les raccourcis proposés par les applications GPS ne prennent pas en considération les risques sécuritaires dans certaines zones malfamées.

Les quartiers de Hillbrow au centre, Alexandra au nord et Soweto au sud-ouest, font partie des endroits réputés pour leur insécurité au sein de cette ville pourtant bâtie sur des gisements d’or au 19ème siècle. Avant de prendre le volant, il faut bien connaître son trajet et avoir à l’esprit toutes ces zones qu’il ne faut pas traverser sous aucun prétexte.

Ceci est d’autant plus vrai dans ce contexte de crise sanitaire qui a aggravé la pauvreté, approfondi les inégalités et mis des millions de personnes au chômage à travers le pays. La criminalité semble suivre cette tendance en devenant plus visible dans ce pays d’Afrique australe.

Se balader dans les rues de la capitale économique de l’Afrique du Sud est un luxe que peu de gens se permettent à leurs risques et périls. Les agents de sécurité ne se lassent pas de répéter, à qui veut entendre, les consignes de sécurité qu’il faut respecter pour éviter les agressions qui peuvent se produire même dans les lieux hautement sécurisés. Comme dit l’adage, «Mieux vaut prévenir que guérir».

Dans les quartiers huppés de Sandton, Parkhurst, Melrose Arch ou encore Rosebank, la police est omniprésente et les patrouilles se succèdent pour empêcher tout dérapage. Et pourtant, la presse locale grouille d’histoires de crimes abjects qui donnent la chair de poule. Il ne se passe pas un jour sans que les Sud-africains ne se réveillent sur la nouvelle d’un forfait commis par des gangs souvent armés jusqu’aux dents : fusillades, vols, attaque contre des convoyeurs de fonds, kidnappings, viols et détournement de voitures, entre autres.

Dans une déclaration à la MAP, Oliver, médecin généraliste de sa profession, avoue que vivre à Johannesburg est un vrai défi. «On ne peut pas mener une vie normale et paisible sans s’inquiéter pour sa vie et celle de ses proches ou se faire du souci pour ses biens», a-t-il confié.

Il raconte avec regret une de ses mésaventures : «En rentrant chez moi un soir après une longue journée de travail, j’ai constaté que mon domicile a été pillé par des voleurs qui ont eu tout le temps de prendre tous les objets précieux». A sa grande surprise, les résultats de l’enquête ont révélé que les malfaiteurs ont agi en complicité avec le gardien du complexe résidentiel.

Les vols par effraction occupent, en effet, la première place des crimes commis en Afrique du Sud durant la période 2019/2020, selon le département sud-africain des statistiques (Stats SA). Le nombre de ménages sud-africains cambriolés est passé de 2,1 millions en 2015/16 à 2,3 millions en 2019/2020, affectant ainsi plus de 5% de l’ensemble des ménages du pays.

Les vols de voitures sont aussi monnaie courante à Johannesburg. Mustapha, un Marocain qui réside depuis 4 ans en Afrique du Sud, en a fait l’expérience. «Un gang a volé ma voiture stationnée dans un parking public», a-t-il confié.

Siziwe, une cadre bancaire dans le quartier des affaires «Sandton», avoue qu’elle a toujours la peur au ventre durant son périple quotidien du quartier Maboneng, au centre, à son lieu de travail au nord de Johannesburg. «Le sentiment d’insécurité est persistant, mais on n’a pas d’autre choix que de vivre avec», a-t-elle dit avec amertume, soulignant que dans cette ville «personne n’est à l’abri».

Cette crise sociale et sécuritaire que vit l’Afrique du Sud, dont les principales manifestations sont la criminalité et la violence, est en partie due au legs de l’ère de la ségrégation raciale qui a pris fin en 1994. Mais depuis, les gouvernements successifs du parti du Congrès national africain (ANC, au pouvoir), n’ont pas réussi à créer suffisamment d’opportunités d’emplois aux jeunes pour fléchir la tendance haussière de la criminalité dans le pays.

MAP