De directrice financière à businesswoman il n’y a qu’un pas et Caroline Sack Kendem l’a franchi avec empressement. A la tête de plusieurs entreprises cette camerounaise volontaire a le chic pour débusquer les opportunités. Entretien.

C’est dans le secteur textile que Caroline Sack Kendem a d’abord fait ses marques en début 2000. Férue de mode et de design, elle crée une société spécialisée dans l’exportation de maillots de bain. La structure regroupe une vingtaine de couturières qui passent très vite à 200 au vu de la demande. Destinée à l’Europe, sa production finit par intéresser une marque américaine, qui sous-traite chez elle la confection d’uniformes. Ce contrat de 2 millions de dollars lui permet de faire son entrée dans la cour des grands. Primée pour son initiative, elle est également nommée à la tête de la Fédération Camerounaise de Textile. Des différences de visions avec ses partenaires l’incitent cependant à prendre le large quelques années après. Un mal pour un bien, puisqu’elle fonde dans la foulée un cabinet de consulting international axé sur l’export, plus un autre groupe textile. Depuis trois ans maintenant, elle a décidé de s’orienter vers les nouvelles technologies et le stationnement intelligent. Dans l’ère du temps en somme…

Vous êtes connue en tant que femme d’affaires et mécène en Afrique centrale, mais qui êtes-vous au-delà de vos casquettes ? Parlez-nous un peu de vos débuts.

J’ai eu une enfance heureuse au sein d’une famille aimante qui m’a inculqué très tôt les valeurs du travail, de l’effort et de la compassion. Faire du sport de manière intensive et aller à l’école rythmaient nos vies. Il fallait toujours être les meilleurs ou parmi les meilleurs dans les deux. J’aurais donc pu finir sportive de haut niveau, du fait de mes performances en athlétisme, seulement j’ai choisi la voie de l’entrepreneuriat. Il y avait en moi cette notion d’effort qui primait. Je pense que mon environnement familial a largement influencé la femme que je suis aujourd’hui.

Quels sont les défis auxquels vous avez été confrontée en lançant vos structures ?

Pour une femme les enjeux sont multiples. Comment concilier vie professionnelle et vie familiale ? Comment gérer son foyer sereinement alors que l’on est pris dans le tourment des affaires ? Comment se faire respecter ? Ce sont des travers auxquels nous ne sommes pas préparées. Plein d’hommes en Afrique ont du mal à trouver leurs places quand les leaders/ managers sont des femmes. Ils considèrent que si elles se trouvent à ces postes, c’est pour des raisons n’ayant rien à voir avec leurs compétences. Cela conduit souvent à des situations cocasses. Il m’est ainsi arrivé, alors que je passais des interviews pour recruter des cadres, d’avoir en face de moi un postulant très arrogant ou pire, quelqu’un en train d’essayer de me faire la cour. J’ai vécu ces cas de figure un nombre incalculable de fois. Cela dit, mon plus gros défi a certainement été ma position au sein du conseil d’administration de la société que je dirigeais. Nous étions 12 et j’étais la seule femme. Autant vous dire que l’on ne m’a pas fait de cadeaux. Très peu d’entre eux furent bienveillants à mon égard, pourtant j’ai fini par me faire respecter et devenir Présidente de ce même conseil…

Qu’en est-il de vos autres activités ?

Je suis Présidente de l’AWEP (African Women Entrepreneurship Program), Présidente  pour le Cameroun de la Fondation Trophée des Africanités du Maroc et enfin Présidente du SAVE, le premier fonds d’impact pour les femmes entrepreneurs d’Afrique.  Chacune de ces actions sociales a pour objectif de mieux accompagner les femmes camerounaises et africaines dans l’entrepreneuriat.

Nous sortons (à peine) de deux ans de crise sanitaire. Comment décririez-vous la conjoncture au Cameroun ?

L’économie est toujours en crise. Le gouvernement tente (il faut le reconnaitre) de proposer des solutions multiformes, mais avec peu de résultats pour l’instant.  Cela reste très difficile, cependant les Camerounais sont connus pour leur résilience. Ils ne baissent pas les bras et se tournent de plus en plus vers le MIC (Made In Cameroun). Le but est de consommer ce que l’on produit localement afin de faire barrage aux importations. Le concept a été assimilé partout dans le pays, ce qui permet aux petits artisans et TPE de proposer leurs offres dans les grandes surfaces. C’est assez inédit !

Vous allez bientôt être décorée par le Maroc, dans quel contexte ?

La Fondation Trophées des Africanités du Maroc s’est fixée comme mission de soutenir et d’encourager l’Afrique par l’Afrique. Elle encourage et stimule la solidarité en faveur de l’entrepreneuriat des jeunes et de l’avancée des femmes dans la sphère économique. La notion de paix est en outre très importante au sein de l’instance, surtout lorsque l’on sait que les femmes payent souvent un lourd tribut dans toutes formes de violences. Nous les aidons à trouver une place dans la gouvernance et les négociations internationales pour une contribution directe à la paix. Cela se traduit par l’organisation de webinars, d’interventions dans des pays, de rencontres avec des Chefs d’Etats ou encore de formations. Je suis très engagée pour l’indépendance financière des femmes, une plus grande justice envers elles et l’égalité des genres. C’est peut-être dû à cela (rires).

Vous êtes passionnée par le Royaume, est-ce que vos fréquentes visites vous ont donné des idées ?

J’en ai eu pas mal, car mes activités qu’elles soient professionnelles ou sociales touchent l’Afrique de manière générale et le Maroc en fait partie.  A terme, j’aimerais y poser mes valises quelques temps et je peux déjà vous dire qu’un projet est à l’étude. Patience…